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Pour voler loin et vieux, consolidons nos bases !

vendredi 21 mai 2021, par ppmenegoz

Encore un de ces stages qui ne passe pas par une case « pente école » pour procéder à une évaluation de ses participants. Peut être aurions nous pu corriger in extremis quelques défauts, démonter quelques convictions surannées, débusquer la fragilité derrière des comportements rituels sinon superstitieux ?

J’ai le ventre noué. Prêt à décoller, mon stagiaire me fait face, là, en contre-haut du décollage. J’ai peur comme un gardien avant les tirs au but. Je cherche les yeux qui ne mentent jamais.

Qui est celui là ?

Que m’a-t-il dit ? Que m’a-t-il caché ?

Son brevet de pilote date de mathusalem et ses quinze ans de vol sont ils quinze années de miracles successifs ? Une vie constellée de hasards heureux ?

J’ai peur mais je sais pourquoi

Non, décidément, cet « élève » né d’un terreau ancien, je ne le sens pas. Apparente aisance ou tension maîtrisée peuvent cacher toutes les lacunes. J’ai peur pour lui, pour moi ; ma responsabilité de moniteur me pèse.

Bien sûr j’ai mes critères. Chaque battement de mon coeur qui s’emballe est tempéré par mon expérience technique, mon oeil affûté par le nombres des années d’expériences – 1/10e de seconde pour voir le symptôme de l’arrivée d’un scénario catastrophe et une seconde pour stopper sans hésitation, péremptoirement, le maladroit. En fonction du vent, de la pente, de l’aile, je sais exactement ce que j’attends, attitude des mains, manière de faire le premier pas, engagement des épaules, le regard tourné vers le futur. Il n’y a pas mille manières de pratiquer le parapente et mes références accumulées me calment.

Amis en péril

Que de désastres ! Confondre gonflage et décollage, méconnaître l’effet pendulaire au sol (et même en vol), dévier de son cap le regard aveugle rivé sur son aile, associer son schéma corporel à celui d’un pousseur de voiture. Que va-t-il me faire lui si sympathique par ailleurs ? Lui si bon vivant, patriarche dans sa famille, conducteur de travaux, retraité ou informaticien ? Lors du contrôle de son harnachement, je l’ai trouvé ligoté dans sa sellette. Rien que le nouveau réglage que je lui propose, ventrale serrée mais épaules libres va bousculer ses références. Comment en est il arrivé là ? Quelle est la part d’inconscience dans son comportement. A-t-il librement choisi d’endosser la responsabilité de voler de manière si approximative en passant outre les conseils de son moniteur ? ou bien a-t-il malgré lui occulté son discours ? ou, plus grave, personne n’a osé lui dire qu’il lui faudrait encore cultiver ses bases avant d’envisager du vol thermique, des cross, ou du perfectionnement au pilotage en milieu sécurisé ?

La grande question est comment font ils, se voulant autonomes, pour prendre du plaisir à voler en acceptant le flou au décollage et à l’atterrissage quand ce n’est pas le flou sur les trajectoires en vol ?

Pas de courage pour voler

En est il, ici à me lire, qui puissent avoir la grâce de se reconnaître ? Aveuglés par la magie du vol, ils oublient la médiocrité de leur décollage et l’approximatif de leur approche et de leur atterrissage. Si le courage existe, il n’est pas dans la pratique du parapente. Trop de pilote cultivent une part d’inconscience sous le couvert d’un nombre de vols conséquent sans incident notoire. Le courage c’est la remise en question, c’est la sincérité, c’est accepter d’avoir peur, d’y faire face et de trouver les solutions qui permettront au bout du compte de la réduire, de la contrôler, de s’en faire une amie qui vous préserve de l’inconscience. C’est accepter d’avoir le niveau qu’on a et cesser de vouloir ressembler à une icône. Le courage c’est aussi de faire un effort pour s’améliorer ; prendre le temps de faire le bilan de ses connaissances, de confronter ses convictions à la pédagogie sans cesse actualisé de notre pratique.

Des moyens pour s’absoudre

Il est dit et répété que « la pente école est un lieu d’entraînement qui se consomme sans modération », on ne peut pas en faire d’overdose. Le grand paradoxe c’est que si ce lieu de pratique est reçu comme une épreuve pénible, c’est qu’on manque d’entraînement pour qu’elle soit un lieu et une pratique du plaisir. De plus, peu d’écoles sont dotées d’une pentes école d’accès facile et possédant une aérologie qui y est « programmable ». Il est donc parfois difficile de s’organiser pour la pratiquer.

Allez dans les écoles, non seulement pour rechercher l’analyse avisée d’un moniteur, mais aussi sa capacité à vous démontrer le fonctionnement mécanique du vol. Enrichissez-vous, élargissez vos connaissances parallèlement à la répétition de petits vols. Multipliez les décollages, les virages, les atterrissages jusqu’à vérifier votre aisance. N’occultez pas le gonflage face à l’aile qui s’avère être la forme actuelle la plus sûre de s’assurer du bon déploiement de l’aile avant le décollage.

Le passeport du vol libre de la FFVL est un outil actuel et utile pour situer sa progression. Chaque ligne de ses différentes étapes traduit d’une manière synthétique des points très précis et essentiels de notre pratique. Une réflexion doit être mené pour chacun des points qui y sont inscrits et si ce n’est pas un moniteur qui vous y aide pour un jour vous le valider, faîte le vous même en votre âme et conscience et en autodidacte éclairé (très peu de monde peut prétendre à ce dernier chemin). Parmi les étapes n’oubliez pas de faire durer, jusqu’à y trouver une parfaite aisance, celle du Brevet Initial qui vous situe comme étant capable de voler seul, sur site connu de vous, avec un matériel qui vous est familier et … en conditions aérologiques calmes.

N’oublions pas

Prendre ce temps ne signifie pas de ne plus voler sur de grands dénivelés. Sachez seulement que les qualités d’un pilote en terme de pilotage représentent seulement 50% des compétences qui font un pilote de vol libre. L’autre moitié c’est l’analyse aérologique et la capacité à mettre ces conditions de vol en adéquation avec son niveau. Ainsi quadruple le plaisir de voler quand on sent qu’on en maîtrise graduellement, à son niveau, chaque étape.

Bons vols

Pierre-Paul Menegoz