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Volez à 400 grammes !
mardi 9 août 2016, par
« Les fermetures, on doit savoir les éviter !  » explique Pierre-Paul Ménégoz. Lassé de voir des pilotes en vrac sur les sites des Alpes, Pierre-Paul nous propose quelques conseils essentiels.
Entre générosité pédagogique et cri d’alarme, la démarche de Pierre-Paul Ménégoz rejoint celle de Patrick Berod, Jérôme Canaud (P.Mag Voiles 2004 page 64 puis P.Mag 94 page 50) ou Marc Boyer (P.Mag 94 page 54). Tous essayent de simplifier l’explication du pilotage à l’intention des pratiquants qui n’ont pas toujours pris la peine d’étayer leur apprentissage. Il faudra néanmoins faire l’effort de comprendre ce qu’est l’angle d’incidence ».
C’est l’angle d’attaque du vent relatif sur le profil. Cet angle augmente lorsque l’aile cabre et diminue lorsqu’elle pique. Une turbulence peut momentanément modifier l’angle d’incidence sans que l’aile semble bouger : alors, c’est la trajectoire du vent qui a changé brutalement, faisant varier l’angle (l’incidence) avec lequel il rencontre l’aile, sans que l’assiette de cette dernière change (l’assiette : c’est à dire sa position dans l’espace, par rapport à l’horizon). Notons enfin que le pilote augmente l’angle d’incidence lorsqu’il tire sur ses freins et le diminue lorsqu’il relève ses mains.
Sauf turbulence d’amplitude exceptionnelle (ce qui n’arrive jamais dans des conditions normales de pratique), il est facile d’éviter les fermetures. Ou, au moins, de les réduire à un simple « cornage  » de bout d’aile ou à un bénin enroulement du bord d’attaque. Pour cela, prenons le temps d’étudier ce que nous appellerons ici le "vol au point de contact" ainsi que le fonctionnement mécanique d’une fermeture.
Voler au point de contact
Dès que l’aérologie devient suspecte, on ne vole plus bras hauts car cela laisse les commandes molles, sans tension, et fait perdre le contact avec la voile. Il faut donc garder l’aile légèrement bridée en maintenir constamment une base de freinage (d’aucuns parlent du poids des bras). Cette faible tension des commandes permet de « sentir  » l’aile et constitue le lien sensitif permanent que le pilote doit entretenir avec son aile. La valeur de 400 grammes que nous attribuons à cet effort aux commandes n’est qu’un ordre d’idée qui peut varier d’un modèle d’aile à l’autre et aussi en fonction de la charge alaire. Attention, il ne s’agit pas de laisser les bras peser de façon inerte sur les commandes. Nos bras doivent toujours rester toniques, en alerte, prêts à agir. Ils participent à l’équilibre du pilote dans sa sellette. Les bras peuvent même verrouiller la position du pilote dans sa sellette : il est donc possible de prendre des appuis (utilisation des coudes, des avants bras) sur les élévateurs ou les flancs de la sellette.
Voler au neutre présente au moins trois avantages :
1. Cela assure un lien tactile qui permet de ressentir et d’interpréter les variations d’incidence et de vitesse de chacune de nos demi-ailes. Une commande qui durcit signale que la vitesse et/ou l’incidence augmente(nt) ; une commande qui s’allège, c’est la vitesse et/ou l’incidence qui diminue(nt).
2.Cela garantit une réserve de vitesse disponible pour amortir les mouvements pendulaires de l’aile. Dès que l’aile cabre, le pilote peut relever doucement les mains avant de freiner la petite abattée qui va s’ensuivre par rappel pendulaire.
3.À partir de cette position des mains, le pilote peut à tout moment obtenir une meilleure finesse en relevant doucement les mains.
Comment survient une fermeture ?
Une fermeture survient lorsque, sous l’effet d’une turbulence, l’angle d’incidence (angle d’attaque du vent relatif sur notre aile) diminue au point que le vent relatif attaque l’aile par l’extrados, la faisant fermer.
Éviter ou réduire l’ampleur d’une fermeture
Pour éviter la fermeture il faut donc, à l’instant où on la sent venir (on ressent un ramollissement d’une ou des deux commandes), augmenter l’incidence de l’aile ou de la demi-aile concernée. Pour cela, il suffit d’entretenir ce contact de 400 grammes : avant qu’il ne diminue, on abaisse la (ou les) commande(s) aussi profondément que nécessaire. Dès que le pilote trouve une résistance qui augmente, il raccompagne la (ou les) commande(s) vers le haut, jusqu’à retrouver cet effort de 400 grammes constant. Le décrochage surviendrait si le pilote maintenait la (ou les) main(s) amplement et longuement enfoncée(s). Un effort dissuasif supérieur aux 400 grammes de référence doit l’inviter à remonter ses mains. En relevant les mains, il retrouve sa vitesse de croisière.
Automatiser ce geste de pilotage
Cela passe par la compréhension théorique du phénomène de fermeture d’une aile. L’angle d’incidence doit être une notion comprise par le pilote. Il faut concevoir que si l’angle d’incidence diminue transitoirement sous l’effet d’une turbulence, le poids dans la commande s’allège (la traînée diminue). On peut donc ressentir et anticiper le fait que cet angle diminue et transitoirement l’augmenter par l’abaissement de la commande sans risquer le décrochage. Il faut donc éduquer et sensibiliser nos mains à ce ressenti. Pour bien faire, on travaillera d’abord au sol…
Contrôle statique
Au sol, on peut très bien s’exercer à piloter au neutre en prenant conscience du contact permanent avec son aile par les commandes. On peut ainsi faire du contrôle statique dans un vent irrégulier (turbulent) et découvrir cette mécanique qui vous évitera des fermetures inopinées de votre aile. L’exercice demande du doigté, car le pilote ayant les pieds au sol, la totalité de la charge n’est pas appliquée à l’aile. Dès lors, au sol, c’est bien moins de 400 grammes d’effort qu’il faut appliquer à l’aile sous peine de passer son temps à l’affaler.
Il faut donc une certaine sensibilité tactile ! Mais au préalable le pilote doit avoir acquis une spontanéité pour contrer les déséquilibres de son aile et se recentrer sans cesse dessous pour corriger ses déviations. C’est pourquoi le gonflage statique est une porte vers la sécurité et la performance : ces acquis de pilotage au sol se transfèrent directement au vol. C’est au sol que la progression sera la plus rapide et la plus sà »re.
En vol
La tâche est plus délicate car elle pré-suppose d’aller voler dans des conditions turbulentes. Il faut donc s’assurer d’une progression sur l’échelle des turbulences. Cela peut prendre des années pour un pilote qui ne pratique pas régulièrement. On volera en gardant à l’esprit cette nécessité d’entretenir un contact constant main/aile par un effort d’environ 400 grammes. Les ailes d’entrée et de moyenne gamme tolèrent bien un retard sur l’abaissement de la commande. Si une fermeture a lieu malgré tout, le geste de freinage (à la recherche des 400 grammes perdus), même légèrement tardif, favorise et accélère la réouverture de l’aile (qui aurait lieu sans même l’action du pilote sur ce type de matériel).
Pas trop lent !
Certains pilotes, en conditions aérologiques turbulentes, affichent un régime de vol permanent très lent par crainte des fermetures. C’est une erreur : aborder un cisaillement ou une forte descendance à basse vitesse, c’est prendre le risque du décrochage ou asymétriquement, de la vrille.
Précision
Le minima de 400 grammes est une défense contre les diminutions de l’angle d’incidence.
L’effet inverse d’un durcissement instantané des commandes alors que les mains du pilote affichent « le vol au neutre  » traduit une augmentation de l’angle d’incidence et/ou de la vitesse de vol. Dans ce cas et dans la mesure où l’aile n’est pas en train de cabrer, on peut momentanément choisir de peser sur les commandes pour améliorer la performance de l’aile. On observe cela parfois au cours de certaines entrées particulières dans une zone thermique. Si une seule commande durcit, il faut alors peser dessus pour conserver son cap (ou pour entrer dans le thermique qui est probablement de ce côté). Dans ce cas on favorise la diminution de l’incidence sur la demi aile opposée et la règle des 400 grammes sur cette demi aile prend tout son sens. On ne risque plus alors une grosse fermeture du côté opposé à son « contre  ».
Cas particulier
Les images de « contact avec son aile  » ou du « vol à 400 grammes  » développées ici ne sont pas les bienvenues lors d’un fort gradient (ou lorsque l’aile s’enfonce en quête de vitesse lors d’une entrée dans une forte descendance par exemple). L’allègement des commandes, dans l’instant du phénomène, traduit alors le manque de vitesse de l’aile et non plus une diminution de l’incidence. Il serait alors dangereux d’abaisser ses commandes alors même que l’aile peine à reprendre de la vitesse.