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Premiers cross
mardi 9 août 2016, par
Le vol de distance est le rêve ultime de beaucoup de pilotes. Une pratique que nous espérons tous aborder. Pierre-Paul Menegoz explique aux futurs crossmen ce qu’ils doivent savoir pour s’y mettre…
Un pilote qui envisage de faire un cross doit résoudre cette difficulté : trouver l’itinéraire associé aux conditions aérologiques adaptés à son niveau. Plus son niveau est faible, plus les conditions de sécurité requises pour son cross sont difficiles à trouver.
Pour se donner toutes les chances de quitter le nid, le pilote doit déjà savoir presque tout faire : exploiter longuement le thermique en vol local sur différents sites, serrer ses virages sans risquer la vrille, maîtriser les oreilles, l’accélérateur, les 360° engagés, etc… Ainsi la découverte d’itinéraires aériens sera plus une ouverture d’esprit sur l’aérologie pour passer d’une compréhension locale à une compréhension plus vaste.
Vols faciles ou difficiles
Un cross sera facile ou difficile en fonction du contexte aérologique et topographique. Rien n’est plus accessible qu’une longue crête surplombant une plaine pavée de secteurs dégagés pour atterrir. Si un vent régulier alimente ce relief et produit une ascendance dynamique constante, on peut additionner les kilomètres sereinement ! A contrario, il faut être un champion pour parcourir ne serait-ce que quelques kilomètres dans les basses couches stables d’une journée d’automne aux abords d’une vallée alpine encombrée d’habitations et de lignes électriques. Virages serrés, capacité d’analyse, aptitude à décider rapidement, transitions fulgurantes et calculées, nécessité d’amortir de multiples turbulences, engagement sous le vent d’une brise pour aller chercher l’ascendance… ces qualités réunies, le succès appartient à l’athlète endurant !
“ Aérologie facile : vent régulier d’orientation constante. Instabilité thermique franche et balisée par des bases nuageuses.
Aérologie difficile : vents irréguliers d’orientations variables. Couches d’inversions, fortes turbulences et nécessité d’aller chercher le thermique sous le vent.”
« Voler à plusieurs facilite la prospection des ascendances et le choix des transitions au fil du parcours. »
Utiliser l’aérologie
Le vent augmente notre finesse/sol si notre but se situe dans sa direction. C’est pourquoi les itinéraires les plus gratifiants en kilomètres se font vent arrière. Par vent météo faible, on tentera plutôt un aller-retour ou un triangle. On adapte aussi son altitude de vol pour bénéficier d’un vent plus favorable. Par exemple, en fonction de l’heure, on peut remonter une vallée en utilisant la brise dans les basses couches et retourner à son point de départ en volant plus haut et en utilisant le vent météo s’il se dirige à l’inverse de la brise.
Voler haut
La possibilité d’atteindre une altitude élevée nous permet des transitions qui passent haut au-dessus de passages difficiles qui retarderaient ou rendraient aléatoire notre progression. De plus, en ne volant plus par rapport aux reliefs ou aux natures de sols, mais en accrochant des bases nuageuses organisées en « rues », nos trajectoires peuvent se maintenir en altitude et éviter les points bas.
Voler sous le vent
On nous apprend très tôt les notions « au vent » et « sous le vent », en insistant à juste titre sur le côté dangereux des secteurs situés sous le vent des reliefs. Mais le vol de distance impose plus de discernement. Car les ascendances se développent plus particulièrement à partir des zones protégées du vent qui favorisent le réchauffement de l’air stagnant. Pour sa sécurité, le pilote peut imaginer une échelle à trois niveaux de « sous le vent » :
Un « sous le vent direct » extrêmement dangereux dès lors que le vent dépasse 15 km/h.
Un « sous le vent indirect » accessible aux bons pilotes qui doivent posséder l’énergie et la technique pour affronter les fortes turbulences présentes aux abords des puissants thermiques qui s’y développent.
Un « sous le vent de massif » protégeant un secteur de vol qui bénéficie alors d’une aérologie classique dans les basses couches. La zone de vol peut s’étendre à plusieurs kilomètres derrière et « sous le vent » d’un massif ou d’une montagne… Attention alors au sommet des ascendances si elles atteignent le vent en altitude.
Choisir son jours
Si le choix de l’itinéraire est primordial, la principale difficulté reste de trouver le jour où l’aérologie convient, tâche d’autant plus difficile que le niveau du pilote est modeste. Car si l’on recherche les journées aux plafonds élevés pour atteindre des altitudes importantes et aller loin, on sera forcément exposé aux turbulences des puissantes ascendances et à de fortes brises (liées à l’activité thermique).
Savoir monter
Tactique : faire du vol de distance c’est savoir se maintenir en l’air mais surtout savoir gagner de l’altitude pour l’utiliser dans une transition. Les ascendances des basses couches sont d’autant plus difficiles à exploiter que l’on est encore peu expérimenté. C’est l’injustice majeure du cross : une fois au plafond tout est plus facile, les ascendances sont généralement vastes, plus faciles à exploiter et l’on perd peu en transitions.
Technique : en vol dynamique (vol de pente), le pilote n’est pas tenu à des virages particulièrement serrés pour gagner de l’altitude : les ascendances sont larges et il suffit de cheminer en faisant des 8 dans les secteurs de meilleur rendement. En revanche, en ascendances thermiques, il faut assumer la vitesse d’un virage nécessairement incliné et amortir les mouvements pendulaires dus aux turbulences. De nombreux pilotes souhaitant faire du cross manquent d’entraînement sur ce plan.
Les « vaches »
Pour un premier cross, mieux vaut choisir un itinéraire offrant des zones « vachables ». Raccrocher une ascendance après une transition est une petite victoire, mais si ça ne fonctionne pas, il faudra négocier un atterrissage improvisé… avec les possibles surprises aérologiques liées aux obstacles entourant la « vache », et sans manche à air, donc sans certitude sur l’orientation du vent. Il faut donc s’y prendre à l’avance en recherchant tôt des indices (feuillages, fumées, divers drapeaux…). Et chercher à repérer d’éventuels câbles et fils téléphoniques. Se méfier des terrains en dévers pour ne pas se faire surprendre en forte contrepente… ou l’inverse (le plané final pouvant alors allonger la trajectoire vers un obstacle).
Les transitions
Il faut tenir compte du vent à différentes altitudes et des éventuelles dérives (trajectoires en « laisse de chien »).
Une bonne posture (jambes et épaules dans le lit du vent relatif) optimise les effets néfastes de la traînée sur la finesse et peut faire une bonne différence sur une transition de plusieurs kilomètres.
On s’applique à conserver la trajectoire prévue en se servant des références au sol. Une bonne utilisation de l’accélérateur améliore la finesse/sol dans le cas de « dégueulantes » ou du vent de face. Un autre exercice qui a sa valeur lorsque l’on sent qu’un secteur ascendant est proche consiste à « laisser flotter son aile » pour se faire « aspirer » dans les veines de meilleur rendement. Ainsi on peut plus ou moins bien « réussir » sa transition ; on découvre là l’art de transiter et on constate parfois des écarts déterminants de plané pour des ailes de performances équivalentes.
Par ailleurs, si le pilote possède beaucoup de hauteur et que son choix est de profiter au maximum des conditions aérologique dans le but d’aller le plus loin possible, les transitions se négocient en utilisant massivement l’accélérateur (quitte à dégrader le plané) et ainsi gagner du temps. Il va de soi que l’accélérateur sera d’autant moins utilisé que l’air est turbulent.
Les erreurs classiques
La « fuite en avant » qui consiste à passer au travers des ascendances sans s’y arrêter. Si cela est fait volontairement, le pilote qui veut gagner du temps, ou qui mise sur une ascendance plus loin, en prend le risque. Dans le cas d’un jeune pilote, cela peut être une réticence à tourner, une inquiétude à déséquilibrer cette trajectoire rectiligne confortable qui gagne du terrain et augmente la distance déjà parcourue. Cela dénote un manque d’entraînement au vol en thermiques.
A l’inverse, le pilote qui veut assurer tous ses « pleins » sans en avoir vraiment besoin, tournoie indéfiniment dans chaque ascendance pour gagner quelques dizaines de mètres parfois aussitôt perdues dans un mauvais centrage. Ce type d’erreur limite évidemment la distance que le pilote peut parcourir dans sa journée ! Mais elle ne condamne pas, comme « la fuite en avant », à être posé après une demi-heure de vol…
« Une mauvaise évaluation de l’ascendance qui est inexploitable ». Le pilote qui décide de tourner perd de l’altitude sans progresser sur son itinéraire. Erreur fréquente à tous les niveaux de pilote.
Enfin l’impatience, lorsque parti en transition à 1600m, on constate, posé au pied d’un premier relief, que les autres pilotes du groupe ont réussi à raccrocher : ils ont eu la patience d’attendre le cycle qui les a tous montés à 1800m… alors que vous, vous attendez la navette dans le cagnard !
Les jours de "hauts plafond" ouvrent des horizons qui font rêver. Ici à 4400m sur le versant italien du Mont Blanc.
En attendant le jour J
Si l’on attend un jour « idéal », on risque d’attendre beaucoup et de ne pas être au niveau d’en profiter le jour J ! Il faut donc se préparer. Étudier les itinéraires possibles, leurs points clé en termes d’ascendances, de vent, de transitions et de zones "vachables", est une nécessité. Google Earth est très utile. Il faut aussi se renseigner sur les espaces aériens et leur règlementation.
Sur le plan technique, on peut s’exercer à transiter et à négocier des atterrissages non repérés à l’avance… La pratique de vols locaux sur des « sites étapes » d’un itinéraire est aussi très utile. Entraînez vous à savoir prendre le thermique : savoir y entrer, en sortir… mais aussi y rester, bien le centrer le thermique et le cadencer, savoir tourner aussi bien dans un sens que dans l’autre. Retenez aussi que voler en groupe c’est plus facile, mais on avance plus lentement.
Enfin, n’oubliez pas que les écoles sont aussi là pour ça. Elles savent vous mettre dans les situations qui vous feront progresser. Jamais le parapente n’a eu autant besoin de ses écoles professionnelles, dont les compétences s’affinent au regard d’une activité dont le niveau technique augmente.
Bons vols !
Pierre-Paul Ménégoz